Récit Alain G :
Lorsque je m’inscris à l’ACGV au mois de novembre c’est évidemment pour chasser mes anciens démons mais aussi pour reprendre goût à l’effort, rencontrer du monde et reprendre la course à pied que j’ai arrêtée depuis 2018. Suite à cela je décide de me fixer un ou deux gros objectifs pour 2025. J’aime bien être au pied du mur pour me booster.
Je m’inscris donc à deux grosses courses, le grand trail du Saint Jacques et l’infernal 100.
Nous voilà donc 8 mois plus tard le vendredi 13 juin sur la route direction le Puy-en-Velay (Auvergne, Haute-Loire) et je me dis que je reviens de loin mais je me suis bien entrainé. Est-ce que ça va suffire ? difficile à dire.
Le Grand trail du Saint Jacques c’est quand même 82km et 3400 D+ , une formalité….
Bref j’arrive sur place et je me rends vite compte que c’est une grosse orga (By UTMB). Du monde de fou partout, bien huilé, un gros village départ, une remise de dossard carré et me voilà avec mon petit bracelet 100K autour du poignet. Oui car cette course est considérée comme un 100K quand on additionne KM et D+. Je vois des gens affutés de partout j’ai le stress qui monte. Les gens inscrits ne sont pas là par hasard ils viennent chercher leur qualif pour les courses UTMB. J’ai l’impression d’être un imposteur.
Bref, je ne peux plus reculer et je pars à l’hôtel me préparer et me reposer.
Le Lendemain, samedi réveil 4h45. Je me prépare, je suis déjà dans ma bulle, nous avons RDV à 6h15 pour prendre les navettes qui nous emmèneront au point de départ. J’arrive à 7h, le départ de la vague 1 est à 8h30 (ça va être long). Il fait déjà très chaud, le kit canicule a été déclenché la veille. Je suis dans la vague 3 (la dernière).
Nous sommes 1417 partants.
Je me suis fait surprendre et je me retrouve dans les derniers de la dernière vague Pffff. Ça y est départ dans 2 minutes, la musique qui monte, le stress avec, et là on repense à toute la prépa, les heures passées à courir le jour, la nuit, dans le froid, sous le soleil, avec la team ACGV, seul, les trails de préparation, les conseils des uns et des autres. Je repense à d’où je viens 8 mois en arrière et je me dis que quoi qu’il arrive je donnerai tout.
PAF ça part, vite évidemment, mais je temporise la journée va être longue, très longue. J’ai déjà très chaud, je bois tout le temps, je rentre dans ma course. Je m’étais fixé des objectifs à chaque ravito et j’arrive au premier, 11 km, 622 D+ en 1h 31 mon objectif était de 1h30 donc tout va bien. Mes 2 flasques étaient déjà vides, va falloir gérer l’eau durant toute la course.
Prochaine portion 8,8 km et 700D+ autant dire du lourd. La chaleur s’intensifie, les organismes ramassent, je vois déjà des gens s’arrêter dans les montées et d’autres vomirent, moi pour l’instant ça va. Je m’hydrate en permanence.
J’arrive péniblement au ravito 2, déjà bien cramé, en cumul nous avons fait 20kil et 1330 D+ j’avais estimé cette portion en 1h30 mais j’ai mis 2h. Je commence à douter et je décide de ne plus suivre le plan que je m’étais fixé aux vues des conditions météo. C’est l’hécatombe autour de moi, je reste concentré je pars cette fois avec mes 4 flasques pleines car 2 ne suffisent pas. Je ne réfléchis pas longtemps et je repars vite du ravito pour ne pas cogiter.
Prochain tronçon 12km et 500D+ mais entre 12h et 14h ca pique, je suis surpris du nombre de coureurs et coureuses qui s’arrêtent alors qu’il nous reste encore plus de 50km. Je suis fatigué je me fais beaucoup doubler et je reste constant dans l’effort. Je suis clairement dans un temps faible mais je me dis que ça va changer. Arrivé au ravito 3, beaucoup de monde qui encourage ça me rebooste. Je suis au 31ème kilo et 1800D+, là je fais un break j’ai besoin de me poser, boire et manger, ce qui nous attends derrière va être dur.
La prochaine portion fait environ 15 bornes j’estime à environ 3h de course. C’est long avant d’atteindre le prochain ravitaillement. Je prends un petit coup au moral mais je sais que quand j’aurais passé ce tronçon j’aurais fait plus de la moitié en km et les 2/3 du dénivelé. Donc je serre les dents, je mets la musique et je pousse sur mes bâtons.
J’arrive au lac du Bouchet à 18h05, km 48 et 2700D+. Je suis content le lieu est magnifique, blindé de mon monde et je sais que j’ai fait le plus dur. Mais là je commence à regarder les barrières horaires et je n’ai que 45 min d’avance. Je ne pensais pas me battre contre ces BH. Je suis surpris car je vois sur le suivi de course que je suis à ce moment là 1019 au classement donc il y a 400 personnes derrière moi. Je me dis qu’ils vont peut-être les décaler aux vues des températures. Tant pis ça m’oblige à ne pas trainer et à repartir assez vite. Je commence à sentir que j’ai des ampoules sous le pied droit mais la douleur est gérable donc j’essaye de ne pas y penser. J’ai également des ampoules dans la main gauche à cause de la transpiration et des bâtons. Je relance et au détour d’un chemin on aperçoit une pancarte qui indique arrivée dans 30km.
Ça fait plaisir c’est quoi 30km ? une petite sortie longue du dimanche, ça passe. Et je déchante très vite, à ce moment-là de la course donc à environ 50km, j’ai mal en bas du ventre, j’ai l’impression d’avoir la vessie pleine en permanence et je dois m’arrêter pour uriner tous les km, ça me brûle à chaque fois. Le point positif c’est que je ne pense plus à mes douleurs sous le pied et dans la main… Quand je cours ça augmente la douleur alors je décide de marcher je verrais au prochain ravito avec les infirmiers. J’arrive au 60ème, j’ai dû aller pisser au moins 15 fois je viens de vivre 10km en enfer tellement j’ai mal. On arrive à un point d’eau merde ce n’est pas un vrai ravito donc pas de secours. Je discute avec les bénévoles qui pense aux vues des symptômes à une infection urinaire (super…) ils me disent qu’au prochain ravito dans 7 bornes il y a des doc. Je suis à 20km de la fin de course donc même si je dois ramper je finirais cette p…. de course. J’appelle lolo et clém pour avoir des conseils et pour me rebooster je les en remercie.
J’arrive au ravito du 66 avec 30 min d’avance sur la BH, j’ai le temps d’aller voir les doc. Ils pensent que je manque de sel et me donnent de la soupe et comme par magie ça me soigne quasi instantanément, incroyable !! et en plus je me dis il ne me reste que 14km. J’ai le moral et je sais qu’à moins d’une grave blessure je serais forcément finisher.
La fin de course de nuit sur du plat direction le Puy en Velay n’a pas été des plus passionnantes mais quel bonheur de voir au loin les lumières de la ville et de se dire qu’on vient de réaliser quelque chose de grand. Je passe dans les ruelles et monte au niveau de la cathédrale (magnifique) et je franchis la ligne d’arrivée à 1h14 du matin sous des trombes d’eau, fatigué mais heureux après 16h24 de course. J’entends qu’il ne reste qu’une cinquantaine de coureurs derrière moi. Incroyable, il y a eu près de 400 abandons sur les 1400 partants.